Quelques infos:
Edition: Du Rouergue
Date de parution: 2010
Pages: 301
Mon avis:
Alex, la trentaine, look androgyne, loge, le temps de son CDD dans un poulailler industriel, chez Marlène et Bertrand qui louent une chambre dans leur maison avec "vue sur le poulailler et l'échangeur de l'autoroute".
Cédric, chômeur, désabusé, traîne son ennui et son chagrin d'amour le long du canal en compagnie de son ami Olivier, obèse, taciturne, dont l'ambition est de construire un barrage avec les canettes de bière qu'il siffle à longueur de journée.
Il y a aussi Gérard, le frère handicapé de Bertrand, qui vit sous leur toit et que Marlène ne supporte plus.
Ces personnages, un peu marginaux, vont se rencontrer, se découvrir bien au delà des apparences. Cette amitié improbable les aidera à sortir de leur marasme.
Comme d'habitude, ce roman de Marie-Sabine Roger m'a enchanté. On y retrouve une fois de plus, cette plume enchanteresse, à la fois tendre et piquante, souvent drôle et touchante. Elle sait trouver les mots, empreints de vérité, avec ce sens inégalé de la formule qui résonne au fond de nous.
"J'ai commencé à la sentir, l'urgence, à ne plus supporter ce vide devant moi, ce grand Rien, que je ne savais ni comment remplir ni avec quoi. Vivre! Vivre putain! J'avais que ce mot là.
Juste un mot, sans explications, sans rien pour me dire où aller ou quoi faire. Comme un gros bouquin sans sommaire. Et dans le même temps, parce que je ne savais pas comment faire pour vivre, justement, j'ai commencé à avoir des angoisses, des vraies, de celles qui te déguisent en guenille, te font pleurer ta mère à l'intérieur de toi, croire que tu deviens fou, que tu te barres en couille ou que tu vas mourir. J'ai vécu la déglingue infernale, avec cette impression d'être déboulonné, en kit et sans notice. J'ai picolé à me vomir moi-même, baisé à perdre toute envie. Aujourd'hui je sais ce que j'avais: j'étais trop plein de vide et pas assez de vie."
Cette galerie de personnage sonne juste. Elle dresse un portrait réaliste des laissés pour compte. Ce sont de vrais gens, comme dans la vraie vie, ni trop beaux, ni trop honnêtes... Il y a toujours quelque chose qui nous touche chez eux, même Marlène "plus bête que méchante", avec ses rêves de midinette inassouvis. Les deux brutes du canal avec leurs "deux neurones qui se baladent; un pour être bête, l'autre pour être méchant" sont les seuls personnages vraiment antipathiques.
En mettant en lumière le meilleur de ses protagonistes, Marie-Sabine Roger fait naître une étincelle d'espoir. L'ensemble donne un roman plein de douceur et de poésie. Le personnage de Gérard surnommé Roswell, est particulièrement réussi. Loin de plonger dans l’apitoiement ou la caricature, on le découvre tel qu'il est, sans filtres.
"Seulement, pour ceux qui sont comme Roswell, ceux qui sont réellement affreux, c'est plus compliqué, je crois bien. Il faudrait oublier ce qu'ils montrent, pour pouvoir découvrir ce qu'ils cachent. Très vite, il faudrait l’oublier. Roswell est un monstre c'est vrai. Il est d'une laideur parfaite. Il n'y a rien en lui qui ne soit pas raté, déformé, effrayant, ridicule. Rien sauf son regard de chiot, d'une douceur pas racontable. Sauf son rire éclatant, plein de vie et d'humour. (...) On en croisera d'autres, qui se mettront à rire en regardant Roswell. Les monstres ce sont eux."
En générant autour de lui un élan de solidarité et de sympathie, il insuffle aux autres un élan de vie et de cœur.
C'est un roman de vie et d'amitié qui met de la couleur dans notre quotidien.
Une réussite!
Une dernière citation pour la route, parce qu'elle me fait marrer (et sonne tellement juste!):
"Lui, je l'aurais bien vu en homme politique: son obsession, c'est laisser quelque chose après lui. Tant pis si c'est qu'un tas de merde!"
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