lundi 31 juillet 2017

La mémoire des embruns - Karen Viggers




Quelques infos:


Edition: Le livre de poche
Pages: 568
Date de 1ère parution: Mars 2015


Mon avis:


Mary, 77 ans, passe sa retraite à Hobart en Australie. Elle sent sa santé s'affaiblir et décide de partir en pèlerinage sur l'île Bruny où elle a vécu avec ses enfants et son mari, le gardien du phare. Elle remonte ainsi le fil de ses souvenirs, tentant de réparer ses erreurs avant de rendre son dernier souffle. Parallèlement, Tom, son benjamin, tente de la soutenir et de la comprendre. C'est un homme solitaire, qui fuit la société depuis son retour d'un voyage en Antarctique. Nous les suivons dans leurs cheminements intérieur alors même que Mary s'éteint et que son fils tente de retrouver le goût de la vie.

Cette saga familiale avait tout pour plaire. La mer, le vent, la Tasmanie, le phare... Malheureusement, je suis restée sur ma faim. L'alternance de la narration, l'une à la 3e personne l'autre à la 1ère, m'a gênée. La description des paysages, faites de phrases très courtes, ne m'aidait pas à me faire une représentation de l'île Bruny. Peu de détails sur la vie du gardien de phare, l'auteur privilégie les moments d'introspection, cela occasionne quelques longueurs.
L'histoire en elle même est convenue, l'auteur tente de ménager un suspens mais on a vite fait de comprendre la faute de Mary et ce qui a rendu Tom asocial. 

 Une vie entre deux océans, qui reprend les même thèmes (la vie d'un gardien de phare, les secrets de famille...) m'avait tellement plu, que j'attendais les mêmes émotions à la lecture de celui-ci. Il lui manque un supplément d'âme, une magie dans les mots qui m'a laissée à la place de spectatrice.
Ce n'est pas un livre qui marquera ma mémoire.




lundi 17 juillet 2017

Le Cercle - Dave Eggers




Quelques infos:


Edition: Gallimard
Date de 1ère parution: 2016
Pages: 511


Mon avis:


Mae Holland, 24 ans, vient de se faire engager par une entreprise informatique prestigieuse: Le Cercle. Elle intègre son siège californien et découvre, éblouie, les règles sociales appliquées par son nouvel employeur. Le siège de l'entreprise ressemble à un parc d'attraction où les employés ont accès à des salles de sport, ont un suivi médical rigoureux et peuvent tester les derniers gadgets. Au Cercle, il ne suffit pas de travailler, il faut également participer activement à la communauté en utilisant les réseaux sociaux; Relayer les infos, commenter, liker, suivre sa cote de popularité qui évolue selon son taux de participation. Jouant le jeu jusqu'à la démesure, Mae se fait remarquer et progresse rapidement au point de devenir une personnalité en vue. Appliquant à la lettre les consignes de son employeur, Mae s'éloigne de ses proches et devient l'instrument consentant d'une entreprise totalitaire.

Voici un roman de science-fiction qui fait froid dans le dos. C'est une version 2.0 de 1984 qui j'ai lu adolescente. Ici c'est le Cercle qui nous regarde, collectant les infos que nous laissons innocemment sur le net, croisant les données et obligeant les internautes à se dévoiler. Cette société semble idéale, plus de mensonges, accès à la connaissance illimité... Derrière des objectifs philanthropiques se cache une entreprise qui veut tout contrôler, tout aseptiser... Dave Eggers pousse son raisonnement à l'extrême: que deviendrait une société où l'on pourrait tout montrer, tout voir? Deviendrait elle un paradis où le mensonge, les mystères seraient bannis ou au contraire une tyrannie, où la norme devrait être respectée, où l'intimité serait bannie et considérée comme anormale? 
Les raisonnements sont simplifiés à l'extrême (si vous n'avez rien à vous reprocher, pourquoi vous cacher?), l'avis des masses met à mal notre libre-arbitre. La façon dont cette araignée tisse sa toile, prenant dans ses filets de simple concitoyens, puis des hommes politiques, puis des gouvernements entiers est terrifiante. 
Certains passages sont savoureux, les réactions de ses collègues lorsqu'elle oublie de commenter une de leur publication ou de participer à leur réseau donnent lieu à des scènes complètement absurdes.
Les entretiens entre Mae et sa hiérarchie sont remarquables. Une machinerie à broyer tout sens critique se met en branle alors même que les dialogues semblent bienveillants. Mae se fait manipuler sans même s'en rendre compte.

Même si ce livre connaît quelques longueurs et présente une piètre qualité littéraire, le propos est intéressant, instructif et a le mérite de faire réfléchir sur notre utilisation des réseaux sociaux et des données que nous laissons sur le net. 



vendredi 7 juillet 2017

1, rue des petits pas - Nathalie Hug





Quelques infos:


Edition: Calmann-Levy
Date de 1ère parution: Février 2014
Pages: 346

Mon avis:


Nous sommes au lendemain de l'armistice marquant la fin de la première guerre mondiale. Dans un village proche de Verdun, des rescapés s'organisent pour former un semblant de communauté parmi les ruines. Parmi eux, il y a Louise, jeune orpheline recueillie et soignée par la matrone du village qui lui transmet son savoir. Mais à la mort de celle-ci, Louise peine à se faire reconnaître par sa communauté. Elle est jeune, étrangère au village, ne sait ni lire ni écrire. Pourtant, elle offre une oreille attentive aux maux des femmes qu'elle rencontre lors de ses consultations. A cette époque, la condition des femmes est dramatique. Victime de viols, d'inceste, de grossesses non désirées, d'accouchement laborieux, le travail de Louise est indispensable. En dépit des risques qu'elle encourt et des rumeurs dont elle est victime, elle exercera son métier dans un monde gouverné par la folie des hommes.

J'ai découvert ce roman par hasard, sur un site consacré aux livres. Concernée par le sujet, les histoires de sage-femme m'interpellent. Je n'ai pas été déçue.
D'un point de vue strictement médical, je n'y ai constaté aucune erreur. L'auteur s'est bien documentée, bien entourée. Le métier de sage-femme est parfaitement décrit, dans ses moindres détails. 
Nathalie Hug nous rend ici un bel hommage.

"L'histoire de notre profession est absurde, aucun médecin sortant de la faculté n'était formé à l'obstétrique. Ceux qui désiraient apprendre l'art de l'accouchement et de la chirurgie gynécologique étaient instruits par une sage-femme. Cent ans plus tard, ces mêmes médecins nous interdisent l'usage du forceps ou de la césarienne, sous peine d'être emprisonnées, au prétexte inavoué que nous sommes des femmes, donc inaptes et ignorantes."

C'est un roman qui nous emmène dans l'intimité féminine, ses maux, ses souffrances, ses secrets. C'est une période confuse,  les hommes ne sont pas tous revenus du front, certains sont devenus fous, d'autres sont estropiés. Les bordels fleurissent un peu partout et les maladies aussi. J'ai trouvé cette période particulièrement sombre et difficile. Je ne m'attendais pas à autant de souffrance, la vie est particulièrement rude. La mort rode à chaque coin de rue et n'épargne pas les enfants. La reconstruction se fait dans la douleur. 

"Dieu n'a rien à voir là-dedans, affirma la sage-femme. Crois-moi. Les hommes sont assez stupides pour s'entre-tuer et martyriser les femmes. Et après, on comptera les morts sur le front en oubliant toutes celles qu'on a assassinées autrement."

Dans un style brut, Nathalie Hug décrit le calvaire de ces femmes, les viols, les incestes, les maladies. Les détails anatomiques sont précis, elle ne nous épargne ni les odeurs, ni les couleurs! Âme sensible attention!
Un peu d''espoir néanmoins dans l'amour que Louise éprouve pour un étrange personnage et la relation maternelle qu'elle noue avec ce nouveau né orphelin. Elle même victime d'un viol collectif, elle peine à refaire confiance, ne crois plus en Dieu ni à l'amour. On assiste à sa lente reconstruction psychique et le soutien de cet amour incroyable est bouleversant. 

La construction du roman m'a un peu déstabilisé. Certains passages font référence à des légendes, on flotte par moment entre mythe et réalité. Au fil des chapitres le puzzle se met en place, néanmoins la lecture de ce roman requiert toute l'attention du lecteur qui risque de s'y perdre dans cette multitude de personnages.

Néanmoins, ce roman, en tant que témoignage de la folie des hommes, de la condition des femmes en cette période d'après guerre et en tant qu'hommage au métier de sage-femme mériterait de passer entre toutes les mains, pour ne pas oublier....