Quelques infos:
Edition: Calmann-Levy
Date de 1ère parution: Février 2014
Pages: 346
Mon avis:
Nous sommes au lendemain de l'armistice marquant la fin de la première guerre mondiale. Dans un village proche de Verdun, des rescapés s'organisent pour former un semblant de communauté parmi les ruines. Parmi eux, il y a Louise, jeune orpheline recueillie et soignée par la matrone du village qui lui transmet son savoir. Mais à la mort de celle-ci, Louise peine à se faire reconnaître par sa communauté. Elle est jeune, étrangère au village, ne sait ni lire ni écrire. Pourtant, elle offre une oreille attentive aux maux des femmes qu'elle rencontre lors de ses consultations. A cette époque, la condition des femmes est dramatique. Victime de viols, d'inceste, de grossesses non désirées, d'accouchement laborieux, le travail de Louise est indispensable. En dépit des risques qu'elle encourt et des rumeurs dont elle est victime, elle exercera son métier dans un monde gouverné par la folie des hommes.
J'ai découvert ce roman par hasard, sur un site consacré aux livres. Concernée par le sujet, les histoires de sage-femme m'interpellent. Je n'ai pas été déçue.
D'un point de vue strictement médical, je n'y ai constaté aucune erreur. L'auteur s'est bien documentée, bien entourée. Le métier de sage-femme est parfaitement décrit, dans ses moindres détails.
Nathalie Hug nous rend ici un bel hommage.
"L'histoire de notre profession est absurde, aucun médecin sortant de la faculté n'était formé à l'obstétrique. Ceux qui désiraient apprendre l'art de l'accouchement et de la chirurgie gynécologique étaient instruits par une sage-femme. Cent ans plus tard, ces mêmes médecins nous interdisent l'usage du forceps ou de la césarienne, sous peine d'être emprisonnées, au prétexte inavoué que nous sommes des femmes, donc inaptes et ignorantes."
C'est un roman qui nous emmène dans l'intimité féminine, ses maux, ses souffrances, ses secrets. C'est une période confuse, les hommes ne sont pas tous revenus du front, certains sont devenus fous, d'autres sont estropiés. Les bordels fleurissent un peu partout et les maladies aussi. J'ai trouvé cette période particulièrement sombre et difficile. Je ne m'attendais pas à autant de souffrance, la vie est particulièrement rude. La mort rode à chaque coin de rue et n'épargne pas les enfants. La reconstruction se fait dans la douleur.
"Dieu n'a rien à voir là-dedans, affirma la sage-femme. Crois-moi. Les hommes sont assez stupides pour s'entre-tuer et martyriser les femmes. Et après, on comptera les morts sur le front en oubliant toutes celles qu'on a assassinées autrement."
Dans un style brut, Nathalie Hug décrit le calvaire de ces femmes, les viols, les incestes, les maladies. Les détails anatomiques sont précis, elle ne nous épargne ni les odeurs, ni les couleurs! Âme sensible attention!
Un peu d''espoir néanmoins dans l'amour que Louise éprouve pour un étrange personnage et la relation maternelle qu'elle noue avec ce nouveau né orphelin. Elle même victime d'un viol collectif, elle peine à refaire confiance, ne crois plus en Dieu ni à l'amour. On assiste à sa lente reconstruction psychique et le soutien de cet amour incroyable est bouleversant.
La construction du roman m'a un peu déstabilisé. Certains passages font référence à des légendes, on flotte par moment entre mythe et réalité. Au fil des chapitres le puzzle se met en place, néanmoins la lecture de ce roman requiert toute l'attention du lecteur qui risque de s'y perdre dans cette multitude de personnages.
Néanmoins, ce roman, en tant que témoignage de la folie des hommes, de la condition des femmes en cette période d'après guerre et en tant qu'hommage au métier de sage-femme mériterait de passer entre toutes les mains, pour ne pas oublier....