mardi 12 mars 2019

La vie solide, la charpente comme éthique du faire - Arthur Lochmann



Quelques infos:


Édition: Payot
Date de parution: Janvier 2019
Pages: 202


Mon avis:


Arthur Lochmann a abandonné ses études de philosophie et de droit pour devenir charpentier. Cet ouvrage est le récit de son apprentissage. Fils de maçon, c'est parce qu'il avait besoin d'un gagne-pain qu'il a commencé un CAP. Au final, ce métier lui a appris bien plus, et lui a permis de trouver des repères.

"Si je travaille régulièrement sur des chantiers de charpente depuis dix ans, je ne suis pas "devenu charpentier" au sens où l'on endosse une identité et pratique un métier pour le reste de son existence. Mais en développant un rapport productif à la matière, en apprenant à inscrire mes actions dans la durée, en adoptant l'éthique artisanale du bien faire, j'ai trouvé des clés pour m'orienter dans notre époque frénétique."

L'auteur aborde ici tous les aspects du métier de charpentier, qu'ils soient techniques, historiques mais aussi sociologiques et même philosophiques. La charpenterie nécessite un engagement total du corps et de l'esprit, les outils deviennent des prolongements de la main, le geste et l'intellect sont intimement lié. Le rapport au temps est différent, les gestes s'inscrivent dans la durée, dans ceux des charpentiers prédécesseurs et pour plusieurs siècles à venir. La transmission du savoir est essentielle où "les savoir-faire constituent un trésor immatériel qui appartient à toute la société. Chaque ouvrier en est le dépositaire temporaire. A ce titre, sa responsabilité est de la faire vivre en le transmettant."
Il y a un autre aspect de remarquable dans ces métiers c'est la satisfaction du travail bien fait liée "au fait que l'on se sache hautement responsable de son travail. Et cet engagement est d'autant plus fort que les savoir-faire mis en oeuvre sont nombreux, précis et difficiles à acquérir: on se sent d'autant plus auteur d'un ouvrage que l'on a la main sur sa qualité."

Son récit est émaillé d'anecdotes personnelles ou sur le métier en général, parfois amusantes, tout le temps instructives!

"Un adage lumineux, que l'on entend souvent sur les chantiers, guide le travail des charpentières et des charpentiers. C'est une règle toute simple selon laquelle il faut orienter la partie du bois la plus stable vers le haut, dans la direction des contraintes. Quatre mots, qui en disent long sur le métier de charpentier: le cœur au soleil."


C'est un ouvrage étonnant, riche, écrit avec passion. L'auteur livre là une belle réflexion sur les métiers d'artisanat dont il fait l'éloge, comme une réponse possible aux défis de l'époque moderne.
Merci à Babelio et aux éditions Payot-Rivages pour cet envoi!





"Dans un ouvrage majeur de l'anthropologie, Le Geste et la Parole, André Leroi-Gourhan a montré que le développement de la main et celui de l'intelligence ont été concomitants dans l'évolution de l'espèce humaine. Pour résumer: un aspect caractéristique de l'être humain, c'est sa bipédie permanente et parfaite. Le fait de ne plus marcher sur les mains les a libérées de leur fonction de locomotion et, ce faisant, a ouvert la possibilité du geste. Du même coup, la bouche s'est trouvée libérée de la fonction de préhension qu'elle assumait lorsque les mains servaient au déplacement. Elle a ainsi pu détourner ses mouvements naturels d'ouverture et de mastication pour les mettre au service de l'articulation, c'est-à-dire de la parole et du langage. Ce n'est donc pas l'intelligence de l'être humain qui l'a fait se relever, mais parce qu'il s'est relevé qu'il a pu développer son intelligence - manuelle et linguistique."

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