vendredi 28 avril 2017

Soudain, seuls - Isabelle Autissier




Quelques infos:


Edition: Stock
Date de 1ère parution: Mai 2015
Pages: 252

Mon avis:


J'ai eu la surprise de découvrir que la célèbre navigatrice Isabelle Autissier était également écrivain en tombant par hasard sur un de ses livres à la bibliothèque. J'avais été charmée par son roman L'amant de Patagonie. Je n'ai pas hésité lorsque j'ai trouvé dans cette même bibliothèque son dernier ouvrage, Soudain, seuls.

Louise et Ludovic, un couple de trentenaires, embarquent pour un tour du monde à bord d'un voilier. Le voyage se passe sans encombre jusqu'au jour où ils accostent sur île perdue au large de la Patagonie, ancienne base baleinière désormais habitée par les manchots et les otaries. Alors qu'ils partent faire une randonnée dans l'île, ils sont pris dans une tempête et leur bateau sombre. Les voilà seuls, sans aucune autre ressource que ce que peut leur offrir ce milieu hostile et sans que personne ne sache où ils sont.

L'auteur nous parle des efforts menés par les deux personnages pour survivre dans cette nature sauvage.  Ils s'organisent et s'astreignent à un planning quotidien de chasse, d'exercices physiques, d'amélioration de leur abri... En se rattachant à l'espoir d'être secouru, à leur souvenir de leur vie d'avant, ils essayent de maintenir une unité, un semblant de vie normale pour ne pas se laisser gagner par le désespoir et sombrer dans la folie.

"L'examen de conscience, la fierté du travail accompli, les efforts justifient leur humanité, les distinguent des animaux simples prédateurs, les éloigne de cette vie des cavernes qu'ils ont quelque fois l'impression de mener. Singer la société, c'est encore y appartenir"

Mais pour Louise et Ludovic chaque geste du quotidien, tels que se laver, se chauffer, manger... est une épreuve. Leurs difficultés poussent le lecteur à s'interroger sur notre monde moderne, si éloigné de la nature, où la technologie nous rend dépendant et maladroit.

"Sont-ils, eux, moins doués que ces peuples primitifs? Sans doute, car les bienfaits de leur civilisation développée les ont coupés de cette compréhension millénaire de la nature, de ces connaissances ancestrales qui permettaient aux hommes de vivre de rien. En se civilisant, ils ont gagné en confort et en longévité, mais cette sophistication leur a fait oublier quelques fondamentaux de la vie, et voilà qu'ils se retrouvent aujourd'hui sans ressources."


Au delà de ces difficultés quotidiennes, Isabelle Autissier s'attache également à nous décrire leur relation, la façon dont leur couple est mis à l'épreuve par cet événement extrême, où leur amour est confronté à leur propre instinct de survie. Les rancœurs apparaissent, les désaccords également.

"Ils ne sont pas seulement abandonnés sans feu ni lieu, ils sont condamnés l'un avec l'autre, ou l'un contre l'autre. Quel couple résisterait à ce genre d'enfermement?"

Jusqu'au moment où, après des mois de lutte, apparaît le moment décisif, celui qui ne permettra pas de revenir en arrière. Malgré tous leurs efforts, nous assistons à leur progressif retour à l'état sauvage.

"La voilà, la confrontation primitive avec la vie, celle qui pousse à agir au-delà de tout code et de toute règle, et même au-delà de ses propres sentiments."

La seconde partie du roman est consacrée aux médias, lorsque l'aventure des deux protagonistes est rapportée au grand public, friands d'histoires sensationnelles alors même que la mésaventure de Louise et Ludovic est particulièrement cruelle.

J'ai aimé les personnages, avec une nette préférence pour Louise, faible en apparence mais dont le courage, l'obstination et l'intelligence la porteront tout au long de cette épreuve.
Le style de l'auteur est direct, sans fioriture, chaque mot soigneusement choisi. Le texte gagne en justesse sans perdre en poésie. Isabelle Autissier est incontestablement une admirable conteuse.

Cette histoire tragique nous invite à la réflexion sur nos rapports avec la nature et à plus d'humilité face aux éléments. Absolument passionnant!

"Arrivés au premier ressaut, avant de perdre la mer du vue, ils font un autre pause. C'est si simple, si beau, quasi indicible. La baie encerclée de tombants noirâtres, l'eau qui scintille comme de l'argent brassé sous la légère brise qui se lève, la tache orangée de la vieille station et le bateau, leur brave bateau qui semble dormir, les ailes repliées, pareil aux albatros du matin. Au large, des mastodontes immobiles, blanc-bleu, luisent dans la lumière. Rien n'est plus paisible qu'un iceberg par temps calme. Le ciel se zèbre d'immenses griffures, nuages sans ombre de haute altitude que le soleil ourle d'or."


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