jeudi 28 février 2019

La maison des hautes falaises - Karen Viggers



Quelques infos:


Édition: Le livre de poche
Date de parution: Mars 2017
Pages: 507

Mon avis:


Lex Henderson vient s'installer à Merrigan, une ville perdue sur la côte est de l'Australie où il est venu se reconstruire après un divorce douloureux. 
Callista est native du coin mais reste en marge de la communauté. Elle aussi traîne ses casseroles. Artiste-peintre, elle vivote en vendant des toiles sans âme au marché de Merrigan. 
C'est là qu'ils se rencontrent,se rapprochent et se devinent dans leurs blessures respectives qu'ils tentent de dissimuler. Au milieu de cette nature sauvage où les journées sont rythmées par le bruit de l'océan, Lex et Callista entament un long processus de résilience et tenteront de faire de nouveau confiance en l'avenir.

La lecture de ce joli roman offre un dépaysement garanti. Sous les yeux de Lex et de Callista, la nature offre un merveilleux spectacle parfois apaisant, parfois destructeur. Tout est finement décrit: on entend l'océan, le chant des baleines, on sent les embruns et la force du vent.... L'auteur nous fait l'historique de la chasse à la baleine dont elle dénonce les conséquences sans juger les motivations des baleiniers qui voulaient juste nourrir leur famille.

"Lex scrutait ces hommes et rien dans leurs visages ne lui expliquait leurs choix. C'étaient les traits d'hommes normaux. Des hommes qui luttaient pour survivre à une époque difficile. Ils ressemblaient à n'importe qui travaillant  au soleil avec une pelle, ramant sur un bateau, labourant un champ pour se faire de l'argent. Ils ressemblaient à des gens ordinaires qui avaient des familles, qui mangeaient, buvaient, transpiraient, travaillaient dur, craignaient, souffraient. Il aurait pu être n'importe lequel d'entre eux q'il avait vécu à leur époque, dans leur ville, dans leur situation. Aucun d'eux n'avaient l'air d'un démon. Ce n'était pas des assassins sanguinaires qui aimaient donner la mort. Mais des hommes qui faisaient leur boulot. Et un boulot sacrément difficile."

Karen Viggers nous emmène dans la vie de la petite communauté de Merrigan avec ses célébrités locales, ses événements incontournables mais surtout cette solidarité indispensable lorsque les éléments se déchaînent. 

J'ai eu un faible pour Lex, j'ai aimé le contact qu'il avait avec la nature, la façon dont il se remettait en cause et sa lente reconstruction au contact des éléments. Pour ce qui est de l'histoire d'amour, celle-ci m'est apparue secondaire, le jeu du chat et de la souris entre Lex et Callista a même fini par me lasser. 

J'en suis d'ailleurs amusée. J'ai trouvé dans ce livre des choses que je ne suis pas venue chercher: une belle galerie de personnages secondaires, une évocation sublime de la nature et des éléments et un troisième personnage principal auquel je ne m'attendais pas: la baleine qui est magnifiée dans ce récit. Ce roman m'a donc offert une belle surprise et je le recommande chaudement

"Il y a cette étrange idée que les baleines sont le symbole de tout ce qui est grandiose et beau sur terre. Tout ce qui est sauvage et libre. Je ne sais pas d'où ça vient. Cela n'a rien de rationnel. C'est peut-être parce qu'elles sont gigantesques, parce qu'on ne les voit pratiquement jamais. Et si, par bonheur, on les aperçoit, c'est toujours une rencontre incroyable..."



vendredi 22 février 2019

Le cœur converti - Stefan Hertmans



Quelques infos:


Édition: Gallimard
Date de parution: Août 2018
Pages: 368

Mon avis:


Au XIe siècle, à Rouen, Vigdis Adélais croise le regard de David Todros, venu étudier dans la yeshiva de Rouen. Cette jeune fille chrétienne, issue d'une riche famille Normande tombe amoureuse et choisit de se convertir au judaïsme pour les beaux yeux du jeune homme. Cet amour réprouvé par les parents de la jeune fille les oblige à fuir jusqu'à Narbonne, dans la famille de David. Poursuivi par des chevaliers normands payés par la famille de Vigdis, leur fuite se poursuivra jusqu'à Monieux, dans une communauté juive où ils connaîtront un peu de repos. Jusqu'en 1096 où le pape Urbain II appelle à une 1ère croisade jusqu'à Jérusalem. La vie de nos deux amoureux en sera à jamais bouleversée....

Voici un livre, à la construction inédite à mi-chemin entre le roman et la thèse. David et Vigdis ont réellement existé. Pour preuve, ce manuscrit trouvé dans une synagogue du Caire. Se basant sur ce témoignage, l'auteur calque ses pas sur ceux du couple et entreprend le même voyage, de Rouen jusqu'à Narbonne, puis Monieux.
Au départ j'ai été séduite par l'exercice, touchée par l'émotion ressentie par Stefan Hermans lorsqu'il se trouvait dans des lieux connus de David et Vigdis. Ces deux personnages étaient omniprésents, tels des fantômes venus raconter leur histoire. Mais rapidement, ces interventions récurrentes de l'auteur ont fini par me lasser, comme si son voyage était autant le sujet du roman que celui de la fuite éperdue de David et Vigdis.
De plus, l'auteur nous fait comprendre que les sources sont difficilement exploitables. S'il s'est autorisé à broder certains passages de l'histoire, à juste titre puisqu'il écrit un roman, il s'est limité pour d'autres, laissant le lecteur dans le flou, notamment en ce qui concerne le destin des enfants du couple.
Au fil du roman, le tragique destin des amoureux a fini par me miner et ces aller-retours entre fiction et réalité par me lasser.
Dommage car il faut reconnaître la qualité du travail de recherche de l'auteur, sa jolie écriture et ses connaissances sur le sujet.
Peut être suis-je trop conventionnelle et trop peu érudite pour en apprécier la réelle valeur....



lundi 18 février 2019

Le journal de Mary - Alexandra Echkenazi



Quelques infos:


Édition: Belfond
Date de parution: 
Pages: 288


Mon avis:


Qui a tué Mary Meyer? Cette femme de la haute société new-yorkaise a été le grand amour de Jack Kennedy. Elle a été assassinée un an après la mort de son amant, alors qu'elle n'a jamais caché ses doutes quant aux conclusions de la commission Warren. Selon ses proches, elle tenait un journal qui n'a jamais été retrouvé.

Alexandra Echkenazi écrit ici son journal fictif et dresse le portrait d'une femme moderne pour son époque, d'une femme amoureuse, d'une femme libre.

"Ils te diront que parce que tu es une femme, tu n'es pas capable de faire certaines choses. Ne les crois pas Mary. Jamais"

Cette immersion dans l'Amérique des années 60 est passionnante: l'émancipation de la femme, les tentatives d'apaisement dans les relations Est/Ouest, la fin de la ségrégation raciale.... On découvre ici le contexte dans lequel Kennedy a exercé son mandat, les décisions qu'il a du prendre dans un contexte international tendu et qui ne lui ont pas valu que des amis. Le style littéraire ne casse pas des briques, j'ai trouvé que l'histoire d'amour sonnait un peu creux, mais peut être est-ce un effet voulu par l'auteur. On lit un journal intime, pas d'un classique de la littérature. Bien que l'on connaisse le tragique destin de Mary, les pages se tournent facilement et le lecteur se laisse prendre au jeu de cette histoire d'amour. J'ai refermé ce livre avec un peu de frustration ne pouvant démêler le vrai du faux, les faits réels de ce qui est sorti de l'imagination de l'auteur. 

C'est un roman plaisant à lire qui ajoute une pierre au mystère entourant la mort de Kennedy.



lundi 11 février 2019

Toute la ville en parle - Fannie Flagg



Quelques infos:


Édition: Cherche Midi
Date de parution: Février 2019
Pages: 512


Mon avis:


"L'auteur de Beignets de tomates vertes nous conte, dans ce roman choral, l'histoire d'un petit village du Missouri, Elmwood Springs, depuis sa fondation en 1889 jusqu'à nos jours. Les années passent, les bonheurs et les drames se succèdent, la société et le monde se transforment, mais les humains, avec leurs plaisirs, leurs peurs, leurs croyances, leurs amours, ne changent guère. et c'est la même chose au cimetière puisque, loin de jouir d'un repos éternel, les défunts y continuent leurs existences, sous une forme particulière. Au fil des décès, ils voient ainsi arriver avec plaisir leurs proches et leurs descendants, qui leur donnent des nouvelles fraîches du village. Tout irait ainsi pour le mieux dans ce monde, et dans l'autre, si d'inexplicables disparitions ne venaient bouleverser la vie et la mort, de cette paisible petite communauté."

Voici un roman atypique, le personnage principal de l'histoire étant une ville, Elmwood Springs. Nous assistons à sa sa naissance, sa croissance, son évolution, sous l'influence des événements locaux, parfois mondiaux. C'est un peu déstabilisant, il y a pléthore de personnages, difficiles parfois de s'y retrouver. L'auteur a choisi de balayer large, l'histoire se déroule sur plus d'un siècle traité en 500 pages, impossible de s'intéresser en profondeur aux événements et aux personnages. Le livre se construit également autour de la vie (!) dans le cimetière d'Elmwood Springs. Les morts se retrouvent, s'aperçoivent qu'ils peuvent discuter entre eux et connaissent, débarrassés de leur enveloppe charnelle et de ses défaillance, une forme d'allégresse. C'est amusant, cela donne une note fantastique à l'histoire. Même si l'auteur dans la dernière page invite le lecteur à s'interroger, l'au-delà n'est pas le vrai sujet du livre.

Malgré ces petits défauts, l'auteur nous emmène dans cette histoire fantasque et fantastique et fait d'elle une chronique sociétale. Les personnages se succèdent, ils connaissent leurs heures de gloire, leur lot de drame et contribuent au développement d'un monde qui devient celui que nous connaissons. La fine plume de Fannie Flagg traite les sujets avec malice, humour même mais sait se faire plus grave parfois. Dans les dernières pages, c'est la nostalgie qui prédomine. 

" Norma était sûre d'être la seule Américaine dépourvue d'une adresse électronique. Elle avait pourtant tenté de garder le contact avec de vieilles relations, mais elles n'appelaient plus, elles non plus. Le téléphone était passé de mode. Lorsqu'on avait besoin de s'adresser au service clientèle d'une entreprise, il fallait utiliser l'Internet. Si on avait la chance de pouvoir parler avec quelqu'un, votre interlocuteur vous répondait depuis l'Inde avec un accent impossible.
Cette solitude était pesante. Il manquait à Norma la compagnie des voix d'antan, quelques personnes avec qui discuter du bon vieux temps, avec qui rire et parfois pleurer."

Cette rapidité avec laquelle Fannie Flagg a traité certains événements (les deux guerres mondiales notamment) prend ici finalement tout son sens: le monde tel qu'il a été bâti et voulu par nos ancêtres a changé à une vitesse étourdissante et c'est finalement avec un peu de tristesse que j'ai refermé le livre, me demandant si la vie au côté de Lordor et Katrina au 19e siècle n'était pas plus chaleureuse que celle du 21 siècle... *

"Dans une grande ville, il est toujours agréable d'entretenir de bonnes relations avec ses voisins, de se montrer cordial et, de temps en temps, de boire un verre avec eux. Dans les petites communautés agricoles du Missouri, les voisins représentaient beaucoup plus que cela. On pouvait en préférer certains, mais de toute façon, on dépendant d'eux pour sa propre survie."


C'est le troisième livre de Fannie Flagg que je découvre ici après La dernière réunion des filles de la station service et Miss Alabama et ses petits secrets. Même si ma préférence va toujours au premier, j'a trouvé ma lecture plaisante. C'est une jolie histoire racontée avec brio.

Livre reçu lors d'une opération Masse Critique. Je remercie le site Babelio et les éditions "Cherche Midi" pour cet envoi!




* La vie au 19e siècle OK, mais avec le micro-ondes et la péridurale quand même! ;)