jeudi 23 février 2017

L'éveil - Kate Chopin




Quelques infos:


Edition; Liana Levi
Date de parution: 1899
Pages: 210

Mon avis:


Le roman s'ouvre sur les vacances estivales de la famille Pontellier. Installés dans la pension de la famille Lebrun à Grand Isle où tous les notables de la Nouvelle Orléans, Edna, son mari et ses enfants passent un séjour rythmé par les baignades, les soirées musicales et les conversations.
Les jours s'écoulent, lentement... De nouveaux sentiments animent Edna. C'est "l'éveil". Elle ne supporte plus son existence de femme soumise à l'autorité d'un mari, certes aimant, mais épousé sans amour. Enchaînée par les carcans moraux de la société américaine du 19e siècle, Edna est en proie à une grande souffrance psychique où ces états d'âme ne suscitent que désapprobation et mépris de son entourage.
Elle trouve un exutoire à ses tourments dans la musique ou la peinture et les conversations avec Robert Lebrun, rencontré à la pension, qui éveillera en elle un sentiment méconnu: la passion. Au fil des pages, Edna devient de plus en plus tourmentée, tentant de se libérer de ses chaînes jusqu'à la perte finale de ses illusions.

Ce roman est considéré comme un chef d'oeuvre méconnu de la littérature américaine. J'ai compris pourquoi. Il est vrai que l'auteur fait preuve d'un grand talent pour rendre compte de l'ennui éprouvé par Edna coincée dans une vie qui ne lui correspond pas. Il transparaît à chaque page et à l'instar de l'héroïne je l'ai parfaitement ressenti! 
Edna m'a profondément agacé. J'ai vraiment cru qu'après la scène où elle apprend à nager, elle allait faire preuve de plus de volonté, mais non.... Elle reste passive. Ses tentatives d'émancipation deviennent des caprices d'enfant gâté. Elle ne va pas au bout de ses désirs, ce qui la rend superficielle et éternellement insatisfaite. 

Loin de m'avoir exalté, ce roman, heureusement court, m'a profondément ennuyé. Une déception!





Citations: 


La voix de la mer est séductrice: sans jamais se lasser, elle chuchote, gronde, murmure, invite l'âme à errer pour un temps dans des abîmes de solitude: à se perdre dans des dédales de contemplation intérieure. La voix de la mer parle à notre âme. La caresse de la mer est sensuelle, elle enveloppe le corps de sa douce étreinte.



vendredi 17 février 2017

Voici venir les rêveurs - Imbolo Mbue




Quelques infos:


Edition: Belfond
Date de parution: 2016
Pages: 420

Mon avis:


Jende est camerounais. Il a immigré aux Etats Unis et a travaillé dur pour faire venir sa femme, Neni et son fils. Doté d'un visa qui arrive à expiration, il attend d'obtenir sa green card, ce sésame qui lui permettra de rester aux Etats-Unis. Neni mène des études brillantes et se rêve pharmacienne. Ils ont des projets de maison, de grandes études pour leur fils. Tout semble si accessible aux Etats Unis.

"L'Amérique a quelque chose à offrir à tout le monde monsieur. Regardez Obama, monsieur. Qui est sa mère? Qui est son père? Ce ne sont pas des gens importants du gouvernement. Ce ne sont pas des gouverneurs, pas des sénateurs. En fait, monsieur, j'ai entendu dire qu'ils étaient morts. Et regardez Obama aujourd'hui? Cet homme, un homme noir sans père, ni mère, qui essaie de devenir le président d'un pays!"

Et lorsque Jende décroche une place de chauffeur pour un grand financier de Wall Street, ils touchent du doigt leur rêve. Mais c'est sans compter la malchance et la crise financière des subprimes. Jende et Neni vont de désillusions en désillusions et voient leur rêve s'effondrer. 

Roman sur la vie des immigrés, ces candidats à une vie meilleure, l'auteur remet en cause ce rêve américain où persiste les inégalités et où les valeurs humaines et familiales s'effacent devant l'argent. Elle retranscrit parfaitement les difficultés rencontrées par Jende et Neni d'aller au delà des clivages sociaux dans cette Amérique où ils se sont bercés d'illusions. 
La ténacité dont ils font preuve, leur courage, leur naïveté parfois m'ont touché. 
J'ai cependant été moins convaincue par le couple d'américains qu'ils côtoient. Symboles de la réussite dont rêve Jende, ils réunissent les stéréotypes de la famille américaine, ultra-riche mais névrosée, chez qui il manque l'essentiel. On frise la caricature.
C'est d'ailleurs lorsque ce couple d'américain s'efface que le récit gagne en intérêt. 

C'est un livre qui offre un éclairage intéressant sur un sujet d'actualité et qui nous imprègne de culture camerounaise. Une belle découverte.




Citations:


"Les gens restaient avec leurs semblables. Même à New-York, même dans cette ville de mélanges, les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, les riches et les pauvres composaient leur petit cercle de gens comme eux. Et quel mal y avait-il à cela? Il était bien plus simple de faire ainsi que de dépenser son énergie à tenter de se fondre dans un monde auquel on n'était pas censé appartenir. Voilà ce qui rendait New-York si merveilleux: il y avait là un monde pour chacun.


Les Jeux Olympiques des nationalités: Continent: Afrique, Pays, Cameroun
7 pays sur 10

samedi 11 février 2017

La mer des Cosmonautes - Cedric Gras




Quelques infos:


Edition: Paulsen
Date de parution: Janvier 2017
Pages: 187


Mon avis:


Le mois dernier, j'ai participé pour la première fois à une opération Masse Critique sur le site Babelio. L'internaute est invité à choisir un ou plusieurs livres parmi une liste et s'il est sélectionné, il reçoit un livre en cadeau et doit le chroniquer dans le mois qui suit.
J'ai eu la chance de faire parmi des heureuses élues et c'est pour La mer des Cosmonautes, paru aux éditions Paulsen, que j'ai été sélectionnée. Merci à eux!
Sitôt reçu, sitôt lu et (quasi) sitôt chroniqué!

Cedric Gras nous fait le récit des trois mois qu'il a passé sur l'Akademik Fedorov, un navire brise-glace, chargé de ravitailler les bases russes implantées en Antarctique. L'équipage est constitué d'hommes qui vont relever les équipes qui ont passé un long hivernage sur la banquise. Le bateau quitte Le Cap en Afrique du Sud pour rejoindre le continent blanc, déroutant tremplin pour l'Antarctide que cette Afrique trop hospitalière, où le climat méditerranéen n'augure en rien de la destination.

Mêlant habilement le quotidien de l'expédition au récit de la fastueuse époque de la conquête de l'Antarctique, l'auteur nous emmène dans un univers méconnu: celui des Poliarniks. Il dresse un portrait touchant de ces hommes, marins, scientifiques ou mécaniciens qui passent de longs mois éloignés des leurs pour vivre dans un milieu des plus inhospitaliers au nom de la science et de l'histoire.
Basé sur les témoignages des hommes rencontrés sur le bateau, le récit est émaillé d'anecdotes, parfois amusantes, sur leur quotidien, leur lutte contre les éléments et les soucis techniques provoqués par les contraintes naturelles.

Nous enfilons nos grosses vestes et suivons le conduit aérien qui alimente le bâtiment principal depuis la centrale. Une corde court entre les poteaux flottants sur la glace. Elle sert de guide dans les tourbillons qui contraignent de progresser à quatre pattes. "Souvent, nous luttons contre les rafales de vent pour mériter notre pitance, lâche Sergueï. Une fois au réfectoire, nous sommes raides de givre. Pour le retour, nous nous orientons au boucan des générateurs." Parfois, Sergueï et les autres demeurent sur la colline Komsomolskaïa plusieurs jours, quitte à jeûner. Au delà de 40 mètres par seconde, les sorties sont interdites. Braver les éléments pour un repas leur ferait perdre plus de calories qu'ils en gagneraient.

Les chapitres "historiques" relatent la prestigieuse épopée des poliarniks qui ont contribué, à l'instar des cosmonautes, à la gloire du bloc soviétique, notamment entre 1930-1950. Le récit se teinte de nostalgie lorsqu'ils évoquent les exploits de leur prédécesseurs, restés dans l'ombre des glorieux explorateurs du ciel. A tel point que l'Antarctique leur offre le nom d'une mer située à l'extrême sud de l'océan Indien: la Mer des Cosmonautes. Pendant que l'URSS envoyait des modules vers la Lune, l'Antarctique se trouva reléguée à sa banalité terrestre et les exploits des poliarniks furent oubliés.

Ce livre offre un vrai moment d'évasion. Je l'ai lu au chaud, près du poêle, claquant des dents à l'évocation des - 89° enregistrés sur la base de Vostok. Il a éveillé ma curiosité et me pousse à en découvrir davantage sur ce mystérieux continent où se joue des enjeux internationaux -  pour l'instant limités par le Traité de l'Antarctique qui empêche toute revendication territoriale - et où se vit de belles histoires humaines. 
Une très jolie découverte.

L'Antarctide est absente des géographies mentales de nos pareils. Cantonnée au bas des mappemondes, elle est au mieux représentée par un fin liseré blanc, lardé de déchirures ou d'écornures. Les légendes, les échelles, la rose des vents, une punaise ou un encadré thématique achèvent généralement de masquer le pôle Sud. Les cartographes se sentent moins gênés d'empiéter sur cette terre aux toponymes trop rares, à la surface si morne.




Challenge Coupe des quatre maisons: Pétards surprises, un livre que l'on m'a offert, 10 points

jeudi 2 février 2017

Les fleurs noires de Santa Maria - Hernan Rivera Letelier



Quatrième de couverture:


1907 est une année de grandes grèves au Chili. Dans les mines de nitrate du désert d'Atacama, des milliers de mineurs décident de faire une grande marche à travers le désert en direction de la petite ville de Santa Maria de Iquique, où doivent se tenir, pensent-ils, des négociations.
Parmi eux, on croise des personnages incroyables: Olegario, le mineur amoureux de la silhouette de gitane sur son paquet de cigarettes, Gregoria l'énergique veuve au grand cœur, Idilio le constructeur de cerfs-volants, et la jeune Liria Maria. Tous ces protagonistes pleins de force et d'innocence sont inexorablement entraînés vers un dénouement tragique et réel: la répression fera trois mille morts.


Quelques infos:


Editions: Metallié
Date de parution: 2004
Pages: 214


Mon avis:


A la fin du 19e siècle, l'économie du Chili connaît un véritable essor grâce aux mines de salpêtre situées dans le nord du pays, dans une région du désert d'Atacama appelée La Pampa.
Dans des conditions très difficiles, les "pampinos" extraient le nitrate de sodium qui est ensuite transformé comme fertilisant et exporté à travers le monde.
Le récit nous emmène dans les mines de San Lorenzo en 1907. Les mineurs se révoltent contre leurs conditions de travail et réclament une hausse de salaire. Rejoint par les mineurs d'autres villes, c'est par millier qu'ils entament une longue marche à travers le désert d'Atacama pour rejoindre Iquique afin de faire entendre leurs revendications auprès des patrons, espérant être soutenu par les autorités locales.

"Maintenant hors du village, en rase campagne, éclairés par des torches ou des lampes à carbure et suivant toujours la ligne de chemin de fer, nous allongions le pas, pleins de courage et d'espoir en notre mission. A la vérité, la grande épopée que nous étions en train de vivre nous paraissait incroyable: nous prenions soudain conscience de n'être plus une poignée de travailleurs de la compagnie San Lorenzo mendiant une augmentation de salaire au gringo de la bouffarde mais, rassemblés du jour au lendemain en une foule poursuivant son rêve, de nous être transformés en une sorte d'armée de libération de pampinos, en une caravane épique et dépenaillée d'hommes, de femmes et d'enfants traversant un des endroits les plus inhospitaliers du monde pour revendiquer leurs droits. Et, même si la plupart d'entre nous s'étaient lancés dans l'aventure dans l'état où ce vent de courage les avaient emportés - avec le cœur pour boussole et l’espoir pour raison de campagne - , chacun sentait un indescriptible sensation d'audace et de liberté bouillonner dans son cœur."

L'auteur nous conte l'histoire, réelle, de cette tragédie annoncée à travers le destin de quelques personnages: Olegario Santana, mineur entre deux âges, lucide quant au résultat de leur expédition, José Pintor, le mécréant au verbe haut, Gregoria, une battante, soutenant le mouvement coûte que coûte, Idilio et Liria Maria, deux jeunes adultes qui découvriront l'amour dans les bras l'un de l'autre. Cette idylle amène un peu de poésie et d'espoir dans cette histoire âpre et tragique.

"A la lumière de la lune, Liria Maria voit les yeux d'Idilio Montano verser des torrents de larmes. Jamais auparavant elle n'avait vu pleurer un homme. Dans un brusque élan de tendresse, la jeune fille lui sèche les joues de ses mains et effleure légèrement ses lèvres de sa bouche. Quand ils se regardent de nouveau, toutes les étoiles du ciel palpitent dans leurs yeux étonnés. C'est le premier baiser d'amour qu'elle donne et le premier qu'il reçoit."

Parvenues à Iquique, les familles s'entassent dans des logements de fortune, hangar, chapiteau d'un cirque ou école... Pendant qu'une délégation de mineurs négocie avec les patrons, les jours s'égrénent dans l'attente d'une solution au conflit. Dans une ambiance calme et solidaire, nous partageons le quotidien de nos héros ordinaires, fait d'amour, de courage, de virée entre copains, de petites jalousies parfois et de grande solidarité souvent. A tel point, que le lecteur s'interroge sur le pourquoi de cette tragédie annoncée par la quatrième de couverture.

Alors que le nombre de militaire s'accroît au fur et à mesure que le nombre de grévistes installés à Iquique augmente, la tension des derniers jours est très bien retranscrite par l'auteur. J'ai tourné les pages avec angoisse, révoltée par les méthodes employées par les administrateurs et les autorités qui restent sourds aux revendications des mineurs: jeu de dupes, langue de bois, fausse écoute et fausses promesses, propagande et désinformation et pour finir extrême violence.

J'ai été bouleversée  par le récit de ce conflit entre deux mondes inconciliables qui se termine par un bain de sang. 
A lire pour savoir et ne pas oublier....

Citations:


Le plus désespérant, c'était de voir la ligne tremblante de l'horizon se maintenir à la même distance quelque soit le chemin parcouru.

Rêver, c'est déjà une façon de lutter, don Olegario. Quelqu'un a dit un jour: tous les rêves sont séditieux.




Challenge des jeux olympiques des nationalités: Pays: Chili, Continent: Amérique
Coupe des 4 maisons: Portoloin, livre qui ne se passe ni en France, ni aux USA, ni en Angleterre, 10 points