jeudi 17 janvier 2019

Amours - Léonor De Récondo


Quelques infos:


Édition: Points
Date de parution: 2016
Pages: 207

Mon avis:


Sous les combles d'une demeure bourgeoise du Cher, une bonne, Céleste, subit les assauts de son maître Anselme De Boisvaillant. Repoussé par sa femme, que le devoir conjugal rebute, il cherche à assouvir ses désirs, sans prendre conscience de la cruauté et des conséquences de son acte. Céleste se tait. En 1908, les bonnes n'ont pas leur mot à dire.
Victoire De Boisvaillant s'ennuie. L'héritier tarde à venir et elle ne trouve pas dans la vie conjugale, l'amour qu'elle espérait. Lorsqu'elle découvre que Céleste est enceinte, elle décide avec son mari d'adopter l'enfant. Adrien naît, Victoire s'accapare l'enfant. Céleste se tait, encore. Mais Victoire ne ressent pas d'amour pour cet enfant qu'elle n'a pas porté et Adrien se meurt. Céleste, poussée par son instinct maternel, emporte l'enfant dans sa chambre pour lui offrir l'amour maternel dont il manque cruellement. Une nuit, Victoire les rejoint. Au mépris des conventions sociales, une relation intime se noue alors entre les deux femmes.

Ce court roman, est un beau portrait de femmes. Victoire a été élevée pour devenir une bonne épouse et une bonne mère. Bridée par son éducation puritaine, elle ne connaît rien de son corps, ni des choses de la vie.

"Pendant très longtemps, elle n'avait eu qu'une image fragmentée d'elle-même, une mosaïque avec en bruit de fond la rengaine maternelle qui lui disait que le corps était sans importance, et que l'on n'en faisait bon usage que lorsqu'on était enceinte."

Céleste, jeune fille de la campagne est une enfant parmi d'autres au sein d'une très nombreuse fratrie. Elle a grandi toute seule, sans vraiment avoir l'impression d'exister.

Ici, les hommes sont passifs et ne servent que de traits d'union entre ces deux femmes. D'une écriture subtile et délicate, Léonor De Récondo décrit cette relation intime entre Victoire et Céleste que tout semble séparer: l'éducation, le niveau social. Elles ont pourtant tellement à partager. Otages des conventions de leur époque, figées dans leurs rôles d'épouse et de bonne, leur amour interdit les révèle à elles-mêmes. 

"Victoire, en aimant chaque nuit Céleste, en était aimée d'elle si follement, commence à chérir ce corps qu'elle croyait inutile. Elle ose se regarder nue, et il se révèle à elle. Elle n'a plus peur de cette image jadis morcelée. Elle devient une. L'amour lui a soudain donné une identité propre. Jusque là, elle n'avait fait que se mouvoir à tâtons, aveugle aux autres et à elle-même. Céleste, en la caressant, a défini les frontières de son corps. Elle les a modelées, pétries, chéries, embrassées, léchées, lui indiquant ainsi l’infime espace entre elle et le monde."

Il est question d'amourS: d'amour maternel, d'amour charnel mais aussi d'amour de soi. C'est un roman fort, d'une beauté rare, qui reprend des thèmes qui me sont chers: l'amour, la condition féminine, la révélation de soi.
Sublime!



2 commentaires:

  1. Voilà un roman qui m'a énormément plu... J'ai trouvé que l'auteure décrivait à la perfection ce qui se passe derrière les murs bien sages de cette maison bourgeoise... L'épouse brisée par sa stérilité et honteuse, le mari qui passe sa frustration sur la bonne qui n'a rien le droit de dire. Les mots sont crus ou tendres, le texte se déroule avec une facilité déconcertante et on ferme le roman en se disant : Déjà ? !

    J'avais lu Pietra Viva il y'a quelques années et Amours m'a confirmé que Léonor de Récondo est une auteure talentueuse et qui compte.

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  2. C'est effectivement un auteur à suivre! J'aurai plaisir à découvrir d'autres de ses oeuvres!

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