jeudi 7 juillet 2016

Le bouc émissaire - Daphné du Maurier



Quatrième de couverture:


John, un historien anglais en vacances en France, rencontre au Mans par hasard son parfait sosie, Jean de Gué. Les deux hommes font connaissance: l'un est solitaire, sans famille, l'autre, épicurien désinvolte, se plaint de la sienne qui l'étouffe. Le lendemain matin, John se réveille, vêtu des habits de Jean, qui a disparu. A la porte, le chauffeur l'attend pour le ramener au château. John prend alors la place de Jean...


Pourquoi j'ai choisi ce livre:


C'est dans le cadre d'une "lecture commune" sur Livraddict, que j'ai découvert ce roman. Le général du Roi a été un de mes coups de cœur cette année, c'était l'occasion de découvrir un autre livre de l'auteur de Rebecca.

Pourquoi j'ai adoré ce livre:


J'ai un peu peiné au début, pas longtemps, quelques chapitres, le temps de m'imprégner des personnages et de l'histoire. Le roman n'est pas très long, un petit 500 pages et je suis toujours admirative de la plume de Daphné du Maurier. Cette façon d'analyser les relations humaines, la psychologie de ses personnages. Les lieux sont décrits si précisément qu'ils deviennent des personnages à part entière; on respire la forêt, on sent les brisures de verre craquer sous nos pieds. 
Le suspense est intense tout au long du livre: John sera-t-il découvert? Combien de temps encore donnera-t-il le change?

On retrouve quelques similitudes avec Rebecca dans les thèmes abordés: celui de l'identité, les lourds secrets des familles aristocratiques (il y a quelques personnages bien névrosés dans la famille de Jean!) et j'ai trouvé que Jean était le pendant masculin de Rebecca (même charisme et un caractère tout aussi détestable!)

Le personnage de Marie-Noëlle, la fille de Jean, m'a un peu perturbé. Certes, sa spontanéité sauve souvent John d'un mauvais pas, mais sa dévotion religieuse m'a gêné et je n'ai pas compris son rôle.
Sa femme Françoise m'a ému, c'est mon côté sage-femme qui parle, cette femme enceinte aussi triste, son destin tragique est bouleversant.
L'évolution de John est intéressante, d'abord tenté par la vie "facile" de Jean (ou tout du moins la facilité avec laquelle son sosie voit les choses), il révèle petit à petit son humanité. A travers ses yeux on prend conscience de l'univers malsain dans lequel évolue la famille de Gué et on ne peut être que touché par ses tentatives malheureuses d'inverser le cours de leurs vies et de voir le meilleur d'eux, là où Jean n'y voit que le pire.

C'est donc un roman vraiment troublant, haletant du début à la fin, avec une belle analyse des relations humaines et familiales, une réflexion sur l'être et le paraître, sur nos choix...
Le dénouement m'a laissé quelque peu perplexe, néanmoins je ne crois pas qu'il aurait pu se finir autrement. 

Citations:


Je songeais à la facilité et au bonheur avec lesquels les enfants s'abandonnent à la fantaisie et je me dis que leur vie n'était supportable que grâce à ce don d'illusion, à cette faculté de ne pas voir les choses telles qu'elles sont.

Je veux qu'ils soient heureux. Pas de son bonheur à lui, mais de celui qui est enfoui en eux, enfermé, et que j'ai découvert. Bela, il existe, je l'ai vu comme une lumière, comme un élan qui attend d'être libéré.

On n'avait pas le droit de jouer avec la vie des gens. On ne devait pas intervenir dans les sentiments. Un mot, un regard, un sourire, un froncement de sourcils, affectaient un autre être, éveillant un accord ou une aversion, et une toile se tissait sans commencement et sans fin, s'étendait à l'extérieur et à l'intérieur aussi, entremêlant, nouant, et la vie de chacun était liée à la vie des autres.

C'est parfois céder à une sorte d'indulgence que de penser de soi le pire. On dit: maintenant que je suis au fond du trou, je ne tomberai pas plus bas, et on éprouve une espèce de plaisir à se vautrer dans les ténèbres. Oui mais voilà, ce n'est pas vrai: on peut toujours tomber plus bas. Le mal en nous est infini, comme le bien. C'est une question de choix. On s'efforce de s'élever ou l'on s'efforce de tomber; l'important est de découvrir dans quelle direction l'on va.

3 commentaires:

  1. J'aime bien ton analyse et ton ressenti. Ils sont pertinents et même si dans mon billet je n'ai pas relevé tous les points que tu soulignes, je suis d'accord avec ce que tu dis.
    Mis à part que je ne pense pas m'être sentie mal à l'aise par rapport à la gamine (même si elle est bien particulière... En même temps ils le sont un peu tous).
    J'ai ressenti plus d'attachement pour Françoise par rapport à sa situation que pour les autres au final.
    Je n'ai plus suffisamment Rebecca en tête pour faire le lien entre les personnages. Mais on retrouve dans les romans de l'auteure (en tout cas pour ceux que j'ai lus), le même soin apporté à la psychologie de son personnage principal.

    Joli choix de citations
    C'era una volta

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    1. Elle évolue dans un milieu familial un peu glauque, ça n'aide pas à sa construction psychologique! C'est ce décalage entre l'insouciance de ses 11 ans et sa déviotion religieuse qui m'a mise mal à l'aise.
      C'est la signature des grands romans, celui qui nous questionne plusieurs semaines après l'avoir refermé!

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    2. Oui beaucoup de non-dits, de reproches tus, de tensions dans cette famille. Et une gamine au milieu de tout ça à qui on en demande sans doute trop. Mais dans les familles aristo, il y avait souvent un "tout-désigné pour l'Eglise" ^^

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